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[ACTU COMPAGNIE] Air France – KLM : que faire sans Alexandre de Juniac ?

L’information officielle a fait l’objet d’un communiqué de presse émanant d’Air France – KLM, le mardi 5 avril 2016 : Alexandre de Juniac, Président-directeur général, quittera ses fonctions qui le positionnaient à la tête du groupe depuis le 1er juillet 2013, succédant ainsi à Jean-Cyril Spinetta. A l’instar de ses prédécesseurs, de Juniac aura marqué son mandat à la tête d’un des fleurons de l’industrie française. Côté finances, il aura rempli son double objectif du désendettement et de retour aux bénéfices. Côté client, l’histoire retiendra que c’est lui qui opéra la plus belle montée en gamme de l’histoire de la compagnie en Business et Première. En interne enfin, il restera pour beaucoup l’homme de la discorde, n’ayant pas su fédérer toute l’entreprise autour d’un projet commun et accepté par tous.

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Le départ d’Alexandre de Juniac : la fin d’une présidence paradoxale.

Alexandre de Juniac est celui qui a initié la montée en gamme globale du groupe. Grand voyageur par le passé, de Juniac volait Air France autant que la concurrence et dès sa prise de fonction il assumait son objectif de ramener Air France au top niveau à l’échelle mondiale. Mais il aura également été celui qui laissa s’enliser une des crises sociales les plus importantes de l’histoire de la compagnie, en 2014.

Le prix à payer. Transform puis Perform : deux plans de retour à la croissance qui ne pouvaient pas se faire sans mal puisque trop exigeants en terme de compétitivité auprès des salariés.

Des remplaçants évoqués.

Evidemment les tractations concernant la succession du Président démissionnaire n’ont pas commencé en début de semaine puisque celui-ci indiquait le jeudi 7 avril 2016 à la Tour Eiffel avoir été contacté il y a plusieurs semaines pour diriger l’Association du Transport Aérien International (IATA) à partir du mois d’août 2016.

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Cinq noms émanant de l’aérien ressortent :

Assez probables (du moins temporairement)

  • Frédéric Gagey, Président-directeur général d’Air France.

Cet historique du Groupe est aimé par les navigants, ce qui contraste assez radicalement avec son futur ex-supérieur hiérarchique. Il a, de plus, une longue expérience au sein de KLM. Il pourrait être une solution transitoire – à condition d’avoir de solides relais politiques 

  • Lionel Guérin, Directeur Général Délégué HOP! Air France.

Son nom avait déjà fait surface à l’époque où il fallait remplacer Pierre-Henri Gourgeon. Aura-t-il envie de quitter HOP! Air France qu’il a mis au monde il y a si peu de temps pour prendre la tête du Groupe ? Père de l’ancien « Pôle Regional Français » (PRF) devenu Hop! en 2013, son succès incontestable dans le regroupement de Regional, Brit Air et Airlinair constituera un atout de choix !

Ce duo d’historique d’Air France-KLM ne serait pas totalement incohérent, et il est probable que la nomination du second à la tête d’Air France aurait pour effet mécanique la nomination du premier à la tête de Groupe.

Spéculations, spéculations…

Moins probables

  • Pieter Elbers, Président du Directoire de KLM.

Un hollandais à la tête du Groupe, cela parait assez inenvisageable notamment en raison du rachat de KLM par Air France en 2004. Le paradigme français (syndicalisme, relations avec Bercy, etc …) parait peu compatible avec une gestion des affaires plus « nordique ».

  • Fabrice Brégier, Président-directeur général d’Airbus.

Ce PDG hors pair incarne Airbus dans le monde entier. Difficile de l’imaginer réceptionnant des Boeing 787 à Seattle sans oublier que des accusations de conflits d’intérêts pourraient émerger, malgré ses nombreuses qualités indéniables.

  • Thierry Antinori, Vice-Président, directeur commercial d’Emirates.

Ce manager reconnu de tous dans le milieu de l’aviation a construit son argumentaire ces dernières années autour d’un ciel qui doit être ouvert à tous en abaissant toutes les limites possibles. Un laïus en total contradiction avec ce qui est développé chez Air France – KLM. A l’image du précédent, un tel retournement de veste serait inévitablement perçu comme un manque de sincérité à la limite de l’immoralité …

Une donnée importante : celle de la rémunération dont la partie fixe s’élève à 600 000 EUR par an. Air France – KLM est connue pour être dans une fourchette basse concernant la rémunération de son top management. Les analystes s’accordent pour dire qu’il sera difficile d’attirer un Brégier ou un Antinori avec ce niveau de rémunération …

Alors qui faut-il pour prendre la tête de Air France – KLM ?

  • Un financier

Le profil financier de Frédéric Gagey avait été péjorativement mis en avant à l’époque de sa nomination. L’appréhension portait sur la compression des dépenses et c’est probablement à lui qu’on doit la grogne actuelle concernant justement les pistes qui sont évoquées pour réduire l’exposition du Groupe.

Pour autant, il faisait bien la pair avec de Juniac, bien plus rigoriste et les pieds sur terre que celui-ci.

  • Un « AvGeek« 

Dans sa définition moderne, cela signifierait un PDG très orienté expérience passagers et qui, à l’image de l’équipe actuelle, saura définir le chemin d’une compagnie prospère, combative, et désireuse de conquêtes. C’est ce que de Juniac appelle officiellement de ses vœux les plus chers. On comprend qu’il serait déçu de voir tous ses efforts ruinés par un top management avare ou anachronique sur ces sujets là.

  • Un diplomate 

Les tensions sont nombreuses dans l’entreprise et ce dans tous les axes possibles. Vertical entre un management qui semble sourd et isolé et une base inaudible et éparpillée ; horizontal entre les différentes factions syndicales, sans oublier le dramatique fossé qui continue de séparer Air France et KLM.

Des chantiers lourds pour la nouvelle présidence.

Finir de négocier.

La stagnation est ce qu’il y a de pire pour une compagnie aérienne. Trouver des solutions et les mettre en application le plus rapidement possible est le meilleur moyen de concrétiser le mouvement qui est en marche. Pour autant : ne pas négliger la bonne entente d’entreprise et se plier aux desiderata des syndicats risque d’être un jeu d’équilibriste à haut risque …

Rattraper le retard de modernisation de la flotte.

Si la flotte d’Air France demeure exemplaire en termes de rationalité – peu de types d’avions différents, ce n’est pas le cas de KLM. Les Airbus A340 de la première et les Boeing 747-400 ainsi que les Fokker de la seconde font tâches, et il est urgent de maintenir un calendrier de mise à jour de ces appareils. Les plus grandes compagnies du monde sont déjà montées au créneau avec des Boeing 787 et des Airbus A350 : ce dernier équipera une quinzaine de compagnies d’ici 18 mois au moment où Air France – KLM devrait en prendre réception – si d’autres retards ne sont pas à déplorer d’ici là 

Concernant les très gros porteurs, on attend toujours le Groupe sur une éventuelle commande de Boeing 777X ou d’Airbus A350 en version rallongée. On imagine difficilement ces deux acteurs qui ont fait voler des Boeing 747 pendant plusieurs décennies se contenter de petits Dreamliners ! Même chose concernant les Airbus A320 et A330 qui sont certes des avions modernes et efficaces mais déjà doublés par des versions NEO sans que ni Air France ni KLM ne prennent position.

Pour mémoire, la flotte moyen-courrier d’Air France est très âgée.

Airbus A318 10.7 ans
Airbus A319 15.3 ans
Airbus A320 9 ans
Airbus A321 13.2 ans

La flotte globale de KLM ne fait d’ailleurs guère mieux même si l’arrivée des 787 est un bol d’air !

Airbus A330 7.1 ans
Boeing 737 9.4 ans
Boeing 747 21.4 ans
Boeing 777 8.4 ans
Boeing 787 0.3 ans

Intégrer Air France – KLM, définitivement.

La fusion a beau avoir 12 ans d’âge cette année, elle n’a pas la noblesse d’un bon cognac. Les tensions demeurent vives au sein du Groupe en partie du fait de la différence de culture du management mais également de la différence de résultats opérationnels entre la française et la hollandaise. Preuve en est avec les derniers chiffres de trafic des deux compagnies : Air France annonçait -1% par rapport à mars 2015 alors que KLM affiche une hausse spectaculaire de 10% de son trafic !

Il est assez étonnant de voir que en Europe les pavillons nationaux conservent fermement leurs identités nationales. Que cela soit LH Group ou IAG, aucun groupe n’entend disparaître au profit d’une marque commune et sans ancrage historique. Un fonctionnement diamétralement opposé au système américain puisque de l’autre côté de l’Atlantique, de nombreuses compagnies ont disparu –  les plus récentes étant Northwest, Continental et US Airways.

Ne pas se fondre dans une fusion complète est cohérent mais garder des compagnies aussi distinctes telles que Air France – KLM rend assez étonnante la longévité du Groupe : comment comprendre la disparité d’offres au sol à Amsterdam, Paris Charles de Gaulle ou Paris Orly ; et en vol avec des produits si différents qui coexistent ! Une mise en commun des projets permettrait assurément une meilleure visibilité pour le client, une continuité dans les produits et inévitablement des économies d’échelle.

Les rumeurs – assez peu crédibles – d’un divorce sont peut-être fondées sur des faits et des bruits de couloirs tangibles, mais le résultat serait tellement catastrophique que cela parait assez peu réalisable. Mais jusqu’où pourra-t-on encore faire avancer un Groupe aussi boiteux ?

Accélérer la montée en gamme.

La montée en gamme initiée par Alexandre de Juniac est un mouvement qui ne doit pas s’estomper ou être freiné. Il serait dommage que tant d’effort soient anéantis par une nouvelle équipe trop peu concernée par l’expérience passagers.

D’autant plus que le processus est loin d’être fini puisque de nombreux avions, dans chacune des compagnies, sont encore équipés de produits totalement anachroniques. Au sol les efforts à Paris Charles de Gaulle ont été nombreux mais Orly est dramatiquement à la traîne et Amsterdam ne propose pas un produit international au niveau d’Air France

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Alexandre de Juniac l’affirme. Air France – KLM a les moyens de poursuivre cette montée en gamme. Et même d’accélérer le mouvement. Puisse t-il être écouté par son successeur !

Booster Transavia.

L’avènement du low cost n’est plus un choix mais une nécessité. Développer cette branche est indispensable bien que peu glorieux ; et positionner des avions verts à la place d’avion bleus et blancs sera bientôt une nécessité. Les corporations sont inflexibles, mais tôt ou tard il faudra céder sur ce point, au risque de perdre des parts de marché, ce qui serait évidemment absurde alors que Transavia France est la première compagnie low cost à Orly-sud !

Conclusion.

Les chantiers sont nombreux et le prochain Président-directeur général d’Air France – KLM devra se montrer à la hauteur des enjeux. Une assertion qui n’est pas légère car la compagnie a fait des efforts considérables et il serait insensé que le mouvement actuel cesse d’avancer.

Il faut moderniser, fusionner, investir et surtout ramener une cohérence interne aux entreprises du Groupe quelques que soient les différences de cultures entre français, bataves et low cost.

Monsieur le nouveau Président-directeur général, 100 000 salariés et des millions d’observateurs vous attendent de pied ferme.

Soyez à la hauteur !

Tyler.

(Image en Une : WikiCommons)

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