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Airbus finira-t-il par comprendre que la voie de l’A380 est sans issue ?

La débandade. C’est en quelque sorte le spectacle auquel assistent depuis quelques semaines les observateurs, les clients, et les investisseurs d’Airbus.

Un contexte intrinsèquement défavorable.

Lancé il y a deux décennies, le programme A380 démarrait sur les chapeaux de roues avec des promesses de commandes provenant de plusieurs dizaines de compagnies aériennes. Et à juste titre !

Au moment du lancement de l’avion, la croissance de la demande de passagers est bien plus rapide que la capacité des aéroports à l’absorber. Résultat : une congestion grandissante bientôt ingérable du point de vue opérationnel pour les aéroports, et difficile à absorber pour les compagnies.

A nombre de passagers égal, positionner un A380 permet de diminuer le nombre d'aéronefs sur le tarmac.
A nombre de passagers égal, positionner un A380 permet de diminuer le nombre d’aéronefs sur le tarmac.

La débâcle.

Mais l’A380 n’a jamais rencontré le succès qu’il espérait. La crise du début des années 2000 (notamment liée aux attentats de New York) et le ralentissement de l’économie mondiale (à la fin de cette même décennie) ont eu raison des projets d’expansion de nombre de compagnies clientes ou prospectées.

Cet avion par exemple, ne verra jamais le jour.

L'A380 Air Austral restera à l'état d'image de synthèse.
L’A380 Air Austral restera à l’état d’image de synthèse.

Tout comme celui-ci.

Cet A380 ne sortira jamais des usines de Toulouse.
Cet A380 ne sortira jamais des usines de Toulouse.

Les raisons de cet échec ne s’expliquent pas uniquement par le contexte économique global puisque dès le préambule de la conception du Super Jumbo les limites du programme se faisaient sentir. Ce programme européen, trop ambitieux, souffrait dès le départ de la trop grande diversité des acteurs engagés. Le climax de l’embarras était probablement atteint en 2006 lorsque les parties construites en Allemagne ne se raccordaient pas aux parties de conception française.

De mensonges en démissions, l’histoire du double-decker européen est surtout pavée d’une addition d’incompétences qui ne cessaient pas d’apparaître après les premières livraisons comme ces déceptions publiquement exprimées par Emirates ou encore la crise des fissures des ailes qui impactait en 2012 le modique volume de 71 appareils, ou encore celle des portes de secours défaillantes qui occasionnait près d’1 milliard d’euros de pertes pour l’avionneur.

Des clients désillusionnés.

Peu l’expriment publiquement, mais nombreux sont les clients du très gros porteurs à être finalement déçus par leur appareil.

L’exemple le plus probant ? Le nombre de compagnies aériennes ayant décidé d’annuler leurs options soit en réalisant que les promesses de l’avionneur étaient irréalisables, soit en préférant des avions plus petits donc plus efficaces et plus facile à remplir. Air Austral n’aurait jamais pu opérer l’A380 à l’aéroport de Rolland Garros, et le choix du Boeing 787 est bien plus cohérent sur le plan du revenu, et intelligent sur le plan budgétaire.

L'A380 d'Airbus n'aura pas bien longtemps fait rêvé du côté de l'île de La Réunion.
L’A380 d’Airbus n’aura pas bien longtemps fait rêvé du côté de l’île de La Réunion.

L’affaire de Singapore Airlines elle aussi ne constitue que les prémisses de ce que vivra tôt ou tard le programme d’Airbus : la défection de ses clients, même les plus emblématiques. Avec le retrait simple et définitif de ses avions en leasing arrivés en fin de contrat, la compagnie, qui garde sa bonne entente avec l’avionneur, a beau expliquer que la démarche est normale, justifiée et entre dans sa gestion de flotte décennale, les faits sont là.

L’A380, s’il satisfaisait pleinement la compagnie cinq étoiles, serait resté au cœur de sa stratégie.

Les A380 de Singapore Airlines seront à terme rendus à leur propriétaire.
Les A380 de Singapore Airlines seront à terme rendus à leur propriétaire.

Et la problématique risque d’être la même pour Qantas ou encore le loueur Amedeo. Côté Iran Air d’ailleurs le deal est loin d’être conclu en raison des réticences américaines.

Si d’ailleurs les A380 comportaient de réels atouts, le marché de l’occasion ne serait pas à l’arrêt comme c’est le cas aujourd’hui. Malgré la défection de Skymark et les difficultés qui poussent Malaysia Airlines à s’en séparer, aucun des très gros-porteurs de seconde main ne trouve preneur.

Source : Gyrostat (Wikimedia, CC-BY-SA 4.0)
Source : Gyrostat (Wikimedia, CC-BY-SA 4.0)

Pourtant, les rumeurs vont bon train et on ne compte plus le nombre de rumeurs qui ont entouré ce programme sans jamais parvenir à la concrétisation des projets.

Spasmes.

L’A380 vivote. Tel un corps à la renverse, il n’a pas encore mordu la poussière. Pour autant, comment ne pas voir que la rentabilité de ce programme ne restera jamais qu’une chimère ?

Depuis plusieurs mois, Airbus mise sur l’effet d’annonce.

Après avoir murmuré cet été que la cadence de production serait revue à la baisse, l’avionneur a acté ces jours-ci sa nouvelle stratégie : pérenniser une FAL amorphe plutôt que d’accélérer son extinction. Et peu d’observateurs sont dupes quand les activités d’Airbus fusionnent avec celles d’Airbus Group.

Tom Enders et Fabrice Brégier désormais réunis sous la même entité.
Tom Enders et Fabrice Brégier désormais réunis sous la même entité.

Même chose lorsque Airbus évoque à demi-mot une restructuration de ses services, jurant que seuls certaines fonctions en doublon ici et là sont la cause de ces bilans en déclin.

Conclusion.

Cette semaine sera celle de la livraison du 10 000ème Airbus, neuf ans après avoir livré son 5 000ème appareil à Qantas. Une performance remarquable qu’il ne faut pas dénigrer, surtout à la lumière des belles performances des autres appareils long-courriers de l’avionneur : A330 et A350.

Le 10 000 ème Airbus sera un A350, livré à Singapore Airlines
Le 10 000 ème Airbus sera un A350, livré à Singapore Airlines

Mais ici encore, ne soyons pas trop bon public.

Airbus profitera de toute évidence de cet événement pour mettre en exergue ses liens « sûrs » et « pérennes » avec la compagnie d’Asie du Sud-Est. Le hasard du calendrier sera nié, et il ne faudra surtout pas voir là un rattrapage des annonces très défavorables qui ont défrayé la chronique ces dernières semaines.

Alors pourquoi s’entêter ? Pourquoi croire que les marchés chinois et indiens finiront par se débloquer ? Pourquoi laisser entendre qu’une re-motorisation boosterait les ventes ? Pourquoi enfin continuer à soutenir que cet avion est vital au développement des compagnies alors que dans le monde, seules 14 y ont cru (dont trois européennes pour lesquelles on connait le poids du politique dans le choix de l’avionneur) et que moins de 100 avions (et non 124 comme on a pu le lire) restent à livrer ?

L’avenir est au bi-réacteur à l’image de l’A350, des nouvelles versions de l’A330, et, de l’autre côté de l’atlantique, au B787 et au B777X. Sur les plans économiques comme opérationnels, utiliser deux réacteurs a aujourd’hui bien plus de sens compte tenu de la fiabilité des moteurs, de l’augmentation des limitations ETOPS, etc.

Le 777X : l'A380 killer ?
Le 777X : l’A380 killer ?

Boeing a l’avantage du calendrier.

Son Jumbo est arrivé au moment de l’explosion de la demande, et son 777 rencontre un succès inégalé. Il est temps qu’Airbus change de logiciel pour éviter que ses erreurs n’impactent les compagnies aériennes dont la patience a des limites.

Tyler.

 

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