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[LES DOSSIERS DE TYLER BIRTH] Air France – La Première, un produit étoilé ! (Quatrième partie)

Les Dossiers de Tyler Birth : Air France – La Première, un produit étoilé !

Première partie – Histoire et perspectives d’un produit exclusif !
Deuxième partie – Embarquement à bord d’un vol d’exception entre Paris et Singapour.
Troisième partie – Rencontre avec Marine Gall, Directrice de l’Expérience Client Long Courrier Air France.
Quatrième partie – Servair, compositeur d’une partition étoilée.

Servair, compositeur d’une partition étoilée.

Les compagnies aériennes sont de plus en plus dans une logique de rationalisation des coûts. Leurs dirigeants font presque tous le choix d’externaliser certains aspects du métier qui pourraient sembler intrinsèquement liés à celui du transport aérien. C’est ainsi que pour le catering les compagnies aériennes font appel à des entreprises spécialisées dans la nourriture embarquée.

L’objectif pour elles est double : limiter le volume de compétences requises pour faire prospérer leurs compagnies et donner priorité aux opérations pour les dépenses.

Les trois plus grosses sociétés sont LSG Sky Chefs, Gate Group et bien entendu, Servair. Il est intéressant de noter que ces entreprises sont connexes aux compagnies aériennes et donc qu’elles en connaissent parfaitement le métier. LSG Sky Chefs, premier caterer mondial avec 30% de part de marché soit 210 compagnies clientes dans le monde, est détenue à 100% par LH Group. Jusqu’à récemment, Servair, troisième en terme de part de marché avec 132 compagnies clientes, était propriété à 100% du Groupe Air France – KLM.

Mais à la suite de l’annonce par le groupe chinois HNA le 11 avril 2016 d’une offre publique d’achat de Gate GroupAir France est entré en négociations exclusives fin mai 2016 avec HNA pour la vente de 49,99% de Servair et le transfert de son contrôle opérationnel, pour une valeur de 475 millions d’euros (soit 220 millions d’euros, en prenant en compte les quelques éléments de dette), dans l’objectif de créer le leader mondial de la restauration aérienne. A terme, le groupe chinois HNA pourrait prendre une participation supplémentaire chez Servair.

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C’est dans le cadre de ce dossier exclusif que nous avons rencontré ceux qui font de Servair l’entreprise incontournable de la restauration de haut vol qu’elle est devenue aujourd’hui.

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« Faire de la cuisine française qui parle avec des accents d’ailleurs », telle est l’identité de Servair que tient à rappeler le Chef Michel Quissac. Le partenaire privilégié des compagnies aériennes depuis plus de 40 ans s’attache ainsi à sponsoriser « l’ailleurs », pour le rendre le plus agréable possible aux palais des voyageurs. Les différentes typologies de cuisine sont mises en avant et Servair tient à construire des repas sur une offre réduite mais pour tous les goûts.

Lorsque l’on pense à Servair, on pense aux plats signatures de Joël Robuchon. Non sans raison.

En effet, si l’entreprise existe depuis 1971, ce n’est qu’en janvier 2009 que le Studio Culinaire est créé et que la présidence est confiée au chef Robuchon. Son leitmotiv ? « Insuffler plus d’audace à la cuisine ». Le Studio Culinaire Servair est composé, outre son Président talentueux et étoilé, des Chefs Guy Martin, Bruno Goussault, Jacques Le Divellec et Michel Quissac.

Michel Quissac, Corporate Chef et membre du Studio Culinaire Servair
Michel Quissac, Corporate Chef et membre du Studio Culinaire Servair

Bien manger à bord : un défi.

La restauration aérienne a ses contraintes. Le défi principal réside dans l’altération des perceptions gustatives.

Plusieurs phénomènes liés à l’altitude créent une situation qui ne permet pas une dégustation optimale : les oreilles se bouchent, le nerf gustatif est stressé, la température corporelle augmente. Une perte de 40% de la capacité gustative peut être décelée, et un retour à la normale peut prendre jusqu’à 4 heures après l’atterrissage. A cela s’ajoute un phénomène plus connu de déshydratation. La qualité hydrométrique est affectée et les représentations olfactives amoindries.

Servair travaille sur l’approche aromatique afin de remplacer certains produits, faisant des équipes du caterer de véritables techniciens du goût.

Différents leviers permettent de rendre les offres attrayantes et savoureuses pour le passager, de combler la défaillance partielle du goût, malgré « l’état pré-grippal » dans lequel le corps est plongé !

  • Le visuel : il permet aux voyageurs de retrouver l’intégrité des aliments qui lui sont servis ;
  • L’olfactif : au retrait de la cloche, toutes les odeurs doivent jaillir ;
  • Les textures doivent être contrastées ;
  • L’ouïe : à titre d’exemple, le crumble doit être croquant, afin d’améliorer la cohérence entre les différents sens.

Ainsi 80% des sens sont satisfaits et Servair ne manque pas d’adresser ses préconisations aux équipages.

La nourriture doit faire naître un sentiment affectif selon le Chef Quissac : « cela doit évoquer l’hédonisme, le plaisir » !

Les prémices d’un nouveau produit.

Servair a été le partenaire d’Air France pour accompagner sa montée en gamme.

Pour eux, cette amélioration des prestations proposées aux passagers de la compagnie aérienne a débuté à l’été 2008. En effet, à cette période le constat était sans appel avec des retours négatifs des clients. Les équipes de Servair y décelaient même une certaine lassitude des voyageurs vis-à-vis des menus composés par Guy Martin. Il fallait proposer quelque chose de nouveau, rapidement. A l’été 2008, se souvient le Chef Quissac, ce fût la rencontre « entre l’ancien et le moderne ».

Dès l’automne 2008, Servair fait à Air France de nouvelles propositions, axées sur une montée en gamme progressive – sur la base des prestations proposées en classe Economy.

Leurs techniques permettent de proposer certains produits que d’autres n’oseraient pas : la cuisson sous vide, devenue une technique spécifique à l’entreprise tricolore. Celle-ci permet, outre le maintien des saveurs des aliments cuisinés, une conservation plus longue des produits (date limite de consommation portée à 21 jours), à basse température, jusqu’au réchauffage des plats à bord des avions, dans les fours pensés pour.

A l’automne 2009, la montée en gamme s’intensifie : la jeune histoire du Studio Culinaire devant permettre une collaboration entre les Chefs sur les recettes proposées à bord.

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Echanges entre les Chefs – Crédits : Servair

La montée en gamme effective.

Pour les voyageurs et compte tenu de la culture gastronomique française, voyager avec Air France doit être plus qu’ailleurs synonyme de prestations de haut vol dans les assiettes.

Servair s’est attachée à l’amélioration du visuel des plats sans faire fi du goût. Pour le Chef Quissac, « cuisiner, c’est raconter une histoire, c’est une initiation au voyage où le passager doit se sentir bien ».

La généralisation de la montée en gamme dans les assiettes est datée de l’été 2010.

Une formation plus poussée des PNC.

Air France compte 1 300 navigants commerciaux formés La Première. Ils disposent de fiches produits leur indiquant la méthodologie à suivre pour la composition des assiettes. Ces équipages sont sélectionnés spécifiquement pour leurs aptitudes à l’excellence. Lors du recrutement, l’accent est mis sur une épreuve de composition à la carte.

L’objectif des ateliers de formation, conçus en collaboration avec le Président des Clefs d’Or (Union Nationale des Concierges d’Hôtels) Thierry Ravel, est de permettre aux équipages sélectionnés pour officier en Première classe d’améliorer la présentation globale du produit proposé et d’être à l’initiative d’un service d’exception.

Ces formations des PNC se font en conditions réelles, lors d’un vrai service au sol.

La formation initiale est assurée par le Chef Quissac où chaque hôtesse et steward apprend à dresser une assiette et à traduire l’esprit des chefs « signature ».

Mais les navigants conservent leur liberté de créer. Ils sont invités à développer leur relation avec les passagers, leur permettant de concevoir des assiettes personnalisées avec beaucoup de liberté et malgré les contraintes présentes à bord.

Le meilleur exemple demeure la salade composée, tendance gastronomique plébiscitée (introduite à bord à partir de 2013). Servair donne les techniques pour concevoir un produit alléchant (donner du volume à une salade par exemple) ce qui permet aux navigants de disposer dès lors de toutes les clefs pour proposer aux passagers un met personnalisé.

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L’objectif assumé de la mise en bouche est de permettre aux navigants commerciaux de déceler les goûts des clients. C’est un réel apprentissage qui est fait et qui vise à personnaliser le service (l’une des attentes principales des clients). L’accent est, pour le Chef Quissac, mis sur la culture appliquée à la gastronomie.

L’accord des mets et des vins est essentiel : le PNC se doit de devenir un véritable hôte.

Avec Paolo Basso la collaboration avec les équipes de Servair se fait 4 à 5 fois par an. C’est un travail très en amont car il transmet au équipes du caterer ses initiatives d’achat et les dates de maturités des vins.

« Sur demande des Chefs de Servair, je suis également en mesure de fournir des suggestions quant aux spécificités de ma carte. » – Paolo Basso.

Les Studios Culinaires œuvrent également à échéance régulière avec de grands Chefs étoilés.

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Anne-Sophie Pic veille au dressage des légumes à bord d’un vol exclusif Air France.

Les collaborations avec les stars des fourneaux d’aujourd’hui seront à bord l’an prochain.

Le Chef Joël Robuchon propose par exemple en cabine Business des plats exclusifs que l’on ne retrouve pas à la carte de ses restaurants dans la mesure où il signe des produits adaptés à l’aérien. Les plats signatures des Chefs ne sont pas toujours le reflet de ce qui est servi dans leurs Maisons étoilées.

Depuis le 1er octobre 2016, le Chef Régis Marcon prend les commandes de la carte de Première classe, au départ de Paris Charles de Gaulle, pendant trois mois. Le chef triplement étoilé au Guide Michelin signe deux nouvelles entrées et sept nouveaux plats.

  • Les deux nouvelles entrées sont un Nougat de Volaille en octobre et en décembre, et une Terrine Canard Cèpes en novembre.
  • Les sept nouveaux plats sont en octobre un Cœur de bœuf, morilles et gâteau de pommes de terre, ainsi que des Saint-Jacques, langoustines rôties et julienne de Légumes ; en novembre, un Saint-Pierre au beurre blanc, verveine, girolle et épinard ainsi qu’un Jarret de veau braisé et un Poulet fermier aux morilles noires ; enfin en décembre, une Barbue et crevettes façon bouillabaisse et un Pâté de canard en feuilletage.

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Nouveau produit, nouvelle vaisselle.

La conception de la nouvelle vaisselle, pierre angulaire du projet de montée en gamme, a nécessité de nombreuses réunions de travail entre Servair et le designer Jean-Marie Massaud. Les arbitrages coûts / faisabilité ont fait l’objets d’intenses tractations avant l’industrialisation à grande échelle et le déploiement à bord le 21 janvier 2015.

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Le résultat est superbe !

Les marqueurs du luxe en Première classe.

En cabine La Première on retrouve indéniablement des produits statutaires de l’univers du luxe. Le retour du caviar à bord dans cette cabine de voyage est fait à l’initiative d’Air France.

Pour Servair, le respect du budget alloué par la compagnie aérienne cliente est très important.

C’est notamment pour cette raison que le caviar n’est pas proposé à bord en portion de 30 grammes. Au départ de Paris on retrouve cependant sur l’ensemble des vols La Première du caviar, qu’il soit servi en mise en bouche ou sur l’entrée. Depuis avril 2016, Air France s’est attachée à servir systématiquement au départ de Paris une quenelle de 15 grammes de caviar en guise de mise en bouche.

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Rencontre avec Paolo Basso, Meilleur Sommelier du Monde en 2013.

Paolo Basso est un grand sommelier.

Il est de ceux qui ont fait de leur passion leur métier. Mais il est également de ceux qui aiment à partager cette passion qui les anime.

Le blog Tyler Birth a eu l’occasion de rencontrer et d’échanger avec Paolo Basso, élu Meilleur Sommelier du Monde en 2013, au cours d’un entretien exclusif où il revient sur sa collaboration avec Air France, son métier au quotidien mais également sur la mission qui lui est confiée par la compagnie aérienne tricolore, contribuant ainsi à porter l’offre proposée dans les différentes classes de voyage parmi les meilleures du monde.

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« J’apprécie tout particulièrement collaborer avec Air France, en ce qu’elle représente et pour la qualité des productions françaises qu’il m’est possible de mettre à l’honneur à bord. »

Tyler Birth – Quand avez vous été approché par Air France afin d’être le nouveau créateur de leurs cartes des vins et champagnes ?

Paolo Basso – J’ai été contacté par Air France au printemps 2014. Notre collaboration a débuté en septembre 2014 pour une durée de 3 ans. J’ai eu le plaisir de succéder à Olivier Poussier (élu « Meilleur sommelier de France » en 1990 et « Meilleur sommelier du Monde » en 2000, ndlr) avec pour mission principale de sélectionner les vins pour la compagnie aérienne française. Qu’une compagnie aérienne approche un sommelier, reconnu par ses pairs, est un fait courant lorsqu’il est question de confier la création de la carte des vins. Néanmoins, je suis très honoré qu’elle m’ait contacté pour accomplir cette mission. J’apprécie tout particulièrement collaborer avec Air France, en ce qu’elle représente et pour la qualité des productions françaises qu’il m’est possible de mettre à l’honneur à bord.

TB – Quelles sont vos principales contraintes lors de l’élaboration de la carte proposée à bord, en cabine La Première ?

PB – Les contraintes techniques, liées notamment à la pressurisation à bord, sont bien évidemment à prendre en compte lors de la composition de la carte. Mais il est également important de s’attacher à la typologie de la clientèle qui voyage en Première classe et à leurs souhaits. Ces passagers, qu’il faut savoir satisfaire, sont généralement à la recherche de vins renommés, de la fine fleur de l’œnologie française. La réputation des vins proposés est essentielle mais je ne m’interdis pas de proposer des alternatives aux grands noms, offrant ainsi aux passagers la possibilité de se plonger dans un pur exercice gustatif.

« Ce n’est pas le prix qui fait la valeur d’un vin ! »

TB – Ces contraintes sont elles également d’ordre budgétaire ou jouissez-vous d’une relative autonomie en la matière ?

PB – Le budget confié par Air France est respecté et n’est pas discuté. Je garde à l’esprit l’idée de proposer le meilleur aux passagers. Néanmoins, la compagnie aérienne française a fait un effort important dans le cadre de la montée en gamme, me permettant ainsi de disposer d’un budget amélioré. Si servir un Château Cheval Blanc 1961 ou un Château Mouton Rothschild 1945 n’est pas à l’ordre du jour, ma mission demeure de proposer l’excellence à des prix suggérés. Il faut savoir que ce n’est pas le prix qui fait la valeur d’un vin même si certains clients s’attachent davantage à l’étiquette sur la bouteille qu’à la qualité réelle du produit. Il est possible d’obtenir de la qualité à des prix raisonnables !

TB – Quel est le volume de vos commandes en vins et champagnes pour Air France ?

PB – Je commande pour le compte d’Air France 80 000 bouteilles par an.

TB – Quel est le processus de sélection des vins et champagnes composant la carte La Première ?

PB – Tout débute par un appel d’offre. A réception des propositions tarifaires, nous effectuons une première sélection en prenant en compte divers éléments tels que le prix, les quantités disponibles chez le producteur, la taille des bouteilles – autre contrainte technique qu’il convient de prendre en compte pour le stockage de celles-ci à bord. Nous procédons ensuite à une dégustation des premiers vins retenus, auxquels nous attribuons des points, avant d’établir la sélection définitive. Bien entendu, nous prenons en considération la réputation et la notoriété des vins lors de l’attribution de ces points. Par ailleurs, nous ne négligeons pas l’accord des vins et des mets. Mais nos vins doivent surtout satisfaire le plus large spectre de mets possible. Ils doivent être polyvalents dans leurs capacités à s’adapter à des produits variés. Sur demande des Chefs de Servair, je suis également en mesure de fournir des suggestions quant aux spécificités de ma carte.

« Nous prenons en compte divers éléments tels que le prix, les quantités disponibles chez le producteur, la taille des bouteilles (…) lors du choix des vins »

TB – Avez-vous collaboré au processus d’élaboration de la nouvelle vaisselle en First ? Avez-vous été consulté pour avis ?

PB – La forme et la taille du verre est très importante lors de la dégustation d’un vin. Je n’ai pas été personnellement consulté par Air France lors du processus d’élaboration de la nouvelle vaisselle en cabine La Première mais mon prédécesseur (Olivier Poussier, ndlr) l’a été.

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Propos recueillis par Tyler Birth.

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