Visage humain, habits, costume, homme, Entrepreneur, personne, Col blanc, Gestion, Métier, Porte-parole, entreprise, affaires, Emploi, cravate, Discours, Représentant, Prise de parole en public, intérieur

Trust Together : décryptage des ambitions et des paradoxes du projet d’Air France !

Grand jour aujourd’hui pour Air France – KLM. Comme prévu depuis le mois de juillet, Jean-Marc Janaillac, le nouveau patron du Groupe franco-néerlandaise, tenait sa promesse en énonçant aujourd’hui devant la presse les mesures qui seront mises en place pendant son mandat, et destinées à redresser la compagnie aérienne tricolore.

De nombreuses annonces que l’on pourrait regrouper en deux thématiques principales ont été formulées – du point de vue client : une nouvelle filiale long-courrier, et la métamorphose de Transavia.

Récupérer des parts de marché sur le long-courrier.

C’est en quelque sorte le leitmotiv du nouveau management de la compagnie. Le Président d’Air France, dorénavant secondé par Franck Terner qui prend le rôle de Directeur Général, a fait le choix de créer ex niholo une filiale de la compagnie française. Le but : réinventer une structure de coûts qui permette de mieux répondre aux nouvelles concurrences.

aa

Une filiale.

Boost. C’est le nom du projet de filiale qu’Air France a dévoilé officiellement aujourd’hui. L’objectif : répondre rapidement à la crise de la demande tout en resserrant l’épineuse question des coûts.

Tout d’abord, trivialement, la flotte aérienne de cette future compagnie. Celle-ci serait, dans un premier temps, composée des Airbus A340 qu’Air France a prévu de retirer du service à partir de 2017… en raison précisément des coûts d’exploitation trop élevés ! Paradoxe ? Pendant plusieurs mois, des rumeurs ont laissé entendre que les Boeing 787 pourraient être affectés à cette filiale. Hypothèse définitivement rejetée aujourd’hui.

- Source : Airplane-Pictures.net -
– Source : Airplane-Pictures.net

Un nouveau modèle.

En réalité Air France reprend, à raison, le projet « CityLine » de Lufthansa : la création d’une filiale aux coûts structurels plus faibles, et exploitant aussi les vieux A340 de la compagnie. La compagnie allemande en revanche d’aller plus loin, puisque cette filiale CityLine opère des vols saisonniers … pour le compte de la maison-mère ! Une initiative qui n’a aucune chance d’être appliquée chez Air France.

- Source : RouteOnline.com -
– Source : RouteOnline.com

En réalité, cette question de filiale long-courrier orientée loisirs et un vieux serpent de mer qui refait surface aujourd’hui, mais dont on entend parler depuis de nombreuses années.

af1
Article paru dans La Tribune en… 2012 !

 Côté passager.

Evidemment, ce plan n’est qu’à l’état de projet et rien n’est définitif. Il faut tout de même retenir que si Air France se refuse (dans une ultime tentative ?) à l’appellation low cost, c’est bien de cela qu’il pourrait s’agir puisque l’idée maîtresse serait de tirer les tarifs vers le bas.

En outre, côté cabine on retrouverait, en Business, un produit proche des cabines « Loisirs » de la compagnie française : dense mais full flat. Il faut donc s’attendre probablement à des sièges de type Aura Lite produits par Zodiac Aerospace puisqu’ils correspondent parfaitement à ces critères.

L'Aura Lite chez Azerbijan Airlines : un siège basique mais full flat.
L’Aura Lite chez Azerbijan Airlines : un siège basique mais full flat. On le retrouve également chez Air Austral, Air India, China Southern, Hainan Airlines, LATAM, Kenya Airways, Turkish Airlines.

Des paradoxes dans la stratégie annoncée.

Des étrangetés peuvent cependant être relevées dans le discours du Président du Groupe. Celui-ci reprend les éléments de langage en vigueur depuis plusieurs années chez la compagnie française : la concurrence à laquelle il faudrait répondre serait celle des compagnies du Golfe. Mais quelle est la nature de cette concurrence ?

Concurrence(s).

Celle-ci repose sur deux éléments indissociables : le tarif et le confort. Mais Air France semble ne vouloir répondre qu’au premier. De plus, on sait déjà que beaucoup de passagers préfèrent payer plus cher pour s’assurer un vol direct ; cela existe depuis toujours et est autant valable pour une escale à Francfort qu’à Dubaï.

Or, la compagnie tricolore réfute toute idée de filiale low cost. Pourtant, le benchmark qu’elle a dans le viseur est… Eurowings, la filiale cette fois low cost de Lufthansa, lancée pour revenir sur le marché loisir.

Lufthansa lançait ce projet il y a 18 mois. - Source : ch-aviation.com -
Lufthansa lançait ce projet il y a 18 mois.
– Source : ch-aviation.com

Un positionnement plus clair, assumé, et qui surtout n’est pas là pour répondre aux compagnies du Golfe mais bel et bien aux low cost long-courrier dont le développement croissant en Asie du Sud-Est constitue une concurrence croissante.

- Source : jetphotos.net -
– Source : jetphotos.net

En termes de stratégie, il est également intéressant de voir que le dirigeant d’Air Caraïbes Marc Rochet a fait des émules avec la création de French blue puisque la filiale d’Air France y ressemble en tout point : une filiale d’appoint créée à partir d’une feuille blanche, des appareils bi-classes, et l’utilisation de deux types avions dont, à termes, des Airbus A350.

- Source : Jetphotos.net -
– Source : Jetphotos.net

Sauf que ces derniers assument le positionnement low cost et le déploiement sur des marchés 100% loisirs auxquels Air France ne veut pas toucher puisque ses Boeing 777-300ER « COI » (aux cabines densifiées) resteront étrangement affiliés… à la compagnie-mère !

Réseau et concurrence.

En termes de réseaux justement, il n’est pas évident d’identifier en l’état en quoi les compagnies du Golfe représentent une menace pour le ciel tricolore. Expliquons-nous.

La compagnie française nous démontre que l’objectif de la filiale est un positionnement mi-loisir, mi-Business. Dès lors elle doit, comme on l’a rappelé, être compétitive en terme de tarif ainsi qu’en termes de confort puisque c’est précisément là que des compagnies comme Qatar Airways ou Etihad Airways se différencient. Or, cette partie ne se jouera même pas puisque le choix est fait de proposer des cabines d’entrée de gamme (le PDG d’Air France KLM annonçant aujourd’hui « un produit full flat mais pas full access« , référence aux Cirrus des 777).

Du coup quels sont les marchés mi-loisirs mi-Business où opèrent à la fois Air France et les compagnies du Golfe ? L’Inde (deux destinations pour Air France), l’île Maurice, et Bangkok.

Des destinations comme Singapour et Hong Kong sont davantage orientées Business que Loisirs ; Bali et Jakarta ne sont pas opérées en propre ; et l’Asie du Nord-Est n’est pas réellement dans le viseur des compagnies du Golfe. Toutefois des routes secondaires comme Kuala Lumpur ou Phnom Penh pourraient être de nouveau ouvertes. En effet, Air France envisage de rouvrir des lignes fermées par le passé et d’opérer avec cette compagnie jusqu’à 30% des nouvelles lignes de la Compagnie tricolore.

af4

Les Airbus A340 de la future filiale seront-ils donc uniquement affectés à la desserte de ces marchés ? Peu probable que cela suffisse à faire frémir les géants du Moyen-Orient.

Le Super Diamond de Qatar Airways sur A380.
Le Super Diamond de Qatar Airways sur A380.

Ces compagnies ont des leviers de croissance bien plus diversifiés : les axes Afrique-Asie, Golfe-Asie, Amérique-Inde, Europe-Océanie, Afrique-Amérique etc. Des marchés en connexionAir France n’apportera pas de réponse puisque ces secteurs à fort rendement comme l’Amérique du Nord et l’Afrique sont réservés au avions « Best », ce qui produirait immanquablement une rupture de charge en termes de produit.

La nouvelle Transavia.

C’est un peu la déception des annonces du jour.

Transavia France est un projet très intéressant puisque son caractère Value Cost lui permet une offre très qualitative malgré une politique tarifaire aggressive. Son positionnement sur des lignes loisirs et au départ des régions était, pour le coup, une formidable réponse aux nouveaux acteurs tels easyJet, Norwegian, Wizz Air, etc. Stopper cela serait clairement une erreur.

Jean-Marc Janaillac a annoncé aujourd’hui que son objectif était de  positionner les Boeing sur des liaisons domestique en France et aux Pays-Bas (sans que cela ait réellement de sens pour ce dernier). Quel étrange projet alors que ce marché de point-à-point domestique métropolitain, très difficile à appréhender en 2016, est entre les mains de HOP! qui a déjà fort à faire avec la concurrence du train, des cars Macron, du covoiturage, et des compagnies étrangères profitant de l’accord de ciel ouvert européen (telle Volotea) …

Conclusion.

Les observateurs attendaient des annonces fortes, ils n’ont pas été déçus.

Les objectifs sont ambitieux et semblent complémentaires avec les chantiers Best & Beyond initiés par la précédente équipe dirigeante.

Pour autant quand on analyse les différents éléments on s’aperçoit que si les orientations devraient correspondre aux attentes des clients, elles sont peu en lien avec la réalité du marché. Du moins dans les explications qui ont été données aujourd’hui. De nombreuses questions restent en suspend, et chacun attend maintenant avec impatience les détails de cette filiale long-courrier (tarifs aller-simple, bagages et catering payants, configuration de la cabine Business, de la cabine Eco… ?), ainsi ceux concernant que le recentrage de Transavia.

Enfin pour le nom de la nouvelle compagnie, il faudra encore attendre un peu, même si l’on sait déjà que le nom Air France lui sera accolé.

Tyler.

BoardingArea